L’assurance construction : comment s’y retrouver ?
Comment s’y retrouver quand on est maître de l’ouvrage, (propriétaire), promoteur d’une opération de construction immobilière, voir intervenant à l’acte de construire, (entreprise), et qu’en raison de désordres de construction, malfaçons ou non façons, il devient nécessaire de recourir à l’assurance construction ?
On constatera tout d’abord une confusion ou une méconnaissance de l’assurance construction regroupées abusivement dans le langage courant sous la dénomination « d’assurance décennale », tant par les intervenants à l’acte de construire, que par le maître de l’ouvrage ou le promoteur.
Le présent article a pour objet de présenter sommairement les différences de l’assurance construction afin de permettre de mobiliser les bonnes polices.
En simplifiant, on distinguera le principe du système de l’assurance construction à double détente, (1), l’obligation d’assurance de responsabilité décennale (2), l’assurance de responsabilité civile facultative (3) et l’obligation d’assurance de dommages-ouvrage. (4)
1) Un système d’assurance à double détente
La loi du 4 janvier 1978, dite Loi Spinetta, a créé un système original de l’assurance construction à double détente dont l’objet est de protéger le maître de l’ouvrage :
- En lui permettant d’obtenir de l’assureur du constructeur à l’origine de dommages matériels de nature décennale à l’ouvrage après réception, le paiement des travaux de réparation.
Les constructeurs ont ainsi l’obligation légale de souscrire une assurance de responsabilité décennale
- En instituant également une assurance obligatoire de dommages-ouvrage, dont l’objet est le versement au maître de l’ouvrage du coût des travaux de réparation des dommages matériels de nature décennale à l’ouvrage après réception, sans recherche de responsabilité, à charge pour l’assureur dommages-ouvrage ensuite d’exercer ses recours contre le ou les constructeurs à l’origine des dommages et leurs assureurs.
Il s’agit donc d’un préfinancement rapide des travaux de réparation.
2) – L’obligation d’assurance de responsabilité décennale des constructeurs
2.1 – Les textes
L’article L.241-1 alinéa 1 du code des assurances dispose que :
« Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance (de responsabilité décennale) ».
L’article L.241-2 alinéa 1 du code des assurances dispose que :
« Celui qui fait réaliser pour le compte d’autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil et résultant de son fait. »
« Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente. »
Ces articles du code des assurances visent les constructeurs responsables de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages de nature décennale visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil.
Il faut donc retenir que les constructeurs qui sont responsables de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages de nature décennale, sont soumis à l’obligation de contracter une assurance décennale.
En effet, l’objet de la responsabilité de plein droit des constructeurs et de leur obligation de contracter une assurance décennale, est de protéger le maître de l’ouvrage, en lui permettant d’obtenir de l’assureur du constructeur à l’origine des dommages de nature décennale affectant l’ouvrage après réception, le paiement des travaux de réparation matérielle.
2.2 – Plus concrètement, la liste des intervenants à l’acte de construire, (constructeurs et assimilés), soumis à l’obligation d’assurance décennale est la suivante :
- Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage,
- Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire,
- Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage,
- Le constructeur de maison individuelle.
- Le vendeur d’un immeuble à construire.
- Le promoteur immobilier au sens de l’article 1831-1 du code civil et le promoteur au sens large.
- Le contrôleur technique dans la limite de sa mission.
- Le vendeur d’immeuble à rénover dans le cas de réalisation d’ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil.
- Enfin, il sera rappelé que le sous-traitant n’est pas soumis à l’obligation d’assurance décennale.
2.3 – Action directe de la victime
La jurisprudence admet que la victime puisse rechercher directement la responsabilité de l’entreprise et la garantie de son assureur dans le délai de dix ans pour le premier et dans le délai de dix ans plus deux ans pour le second.
3) L’assurance de responsabilité civile
3.1 – Assurance décennale obligatoire et assurance de responsabilité civile facultative
Il a été vu plus haut que l’assurance décennale n’a vocation qu’à garantir le constructeur à l’origine d’un dommage matériel de nature décennale affectant l’ouvrage après réception.
Or, un chantier de construction peut être à l’origine de quantité d’autres dommages : dommages immatériels ou corporels, dommages ne présentant pas de caractère décennal, défaut de conformité, dommages apparus avant réception de l’ouvrage, (perte de l’ouvrage), etc.
Tous ces dommages ne sont pas couverts par l’assurance décennale obligatoire mais le cas échéant par une assurance de responsabilité civile facultative.
Bien que le constructeur, contrairement à l’assurance décennale, n’ait pas l’obligation de contracter une assurance de responsabilité civile, de nombreuses entreprises y ont recours par prudence.
3.2 – Assurance de responsabilité civile et droit commun des assurances
S’agissant de l’assurance de responsabilité civile, et contrairement à l’assurance décennale, le droit commun des assurances s’applique et permet à l’assureur, sauf disposition contractuelle discutable éventuellement annulable par un tribunal, de prévoir au contrat des limitations et des exclusions de garantie.
4 – L’assurance obligatoire de dommages-ouvrage
4.1 – L’assurance obligatoire de dommages-ouvrage et l’assurance de responsabilité décennale
L’étendue de la garantie de l’assurance obligatoire de dommages – ouvrage est pratiquement identique à celle de l’assurance de responsabilité décennale, ce qui est logique dans la mesure où l’assureur dommages – ouvrage, après avoir versé le montant des travaux de réparation au maître de l’ouvrage, doit pouvoir effectuer ses recours contre les entreprises et leurs assureurs en responsabilité décennale sans que l’on puisse lui opposer de refus quant à l’étendue de cette garantie.
4.2 – Les textes
L’article L242-1 du code des assurances dispose que :
« Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil. »
4.3 – Plus concrètement, sont soumis à l’obligation de contracter une assurance dommages –ouvrage en cas de travaux pouvant entrainer la responsabilité décennale :
Le propriétaire de l’ouvrage,
Le vendeur de l’ouvrage,
Le mandataire du maître de l’ouvrage.
4.4 – L’assurance dommages – ouvrage est une assurance de chose
L’assurance dommages- ouvrage est une assurance de chose et se transmet donc avec la propriété de l’ouvrage.
4.5 – La mise en œuvre de l’assurance dommages
Ouvrage suppose le respect d’un processus précis visé par les textes, notamment, une déclaration préalable du ou des dommages, à peine d’irrecevabilité de la demande formée contre l’assureur dommages – ouvrage.
4.6 – Piège à éviter en cas de construction d’une maison individuelle
Il arrive assez fréquemment que l’entreprise pressentie par le maître de l’ouvrage, pour amener ce dernier à signer le contrat en minimisant le coût global de l’opération, lui indique qu’il peut faire l’économie du coût d’une assurance dommages – ouvrage car l’entreprise a déjà contracté une assurance décennale qui « couvrira tous les dommages éventuels ».
Cette affirmation est parfaitement fausse et peut avoir des conséquences dramatiques pour le maître de l’ouvrage, notamment, en cas d’abandon de chantier par l’entreprise avant la réception de l’ouvrage.
La souscription par le maître de l’ouvrage d’une assurance dommages – ouvrage est donc impérative et son coût doit être intégré dans le budget global de l’opération de construction envisagée.
5) Conclusion
Le système de l’assurance construction mise en place se révèle efficace, pour peu que ses pièges et ses difficultés soient maitrisés.