BAUX COMMERCIAUX
1) Qu’est-ce qu’un bail commercial ?
Un bail commercial est un bail soumis aux dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce que l’on appelle « le statuts des baux commerciaux ».
Le statut des baux commerciaux assure au locataire commercial une pérennité d’exploitation de son fonds de commerce grâce à la protection de son bail commercial dont il bénéficie, comme la durée du bail, le droit au renouvellement du bail, une augmentation du loyer très encadrée, la possibilité de modifier la destination des lieux, le droit à une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement sans motif légitime, etc.
L’ensemble de ces avantages est appelé «propriété commerciale ».
Cette propriété commerciale se manifeste par le droit au renouvellement du bail, ou après un refus de renouvellement du bail, par le versement d’une indemnité d’éviction à la charge du bailleur correspondant à la valeur du fonds de commerce augmentée principalement des frais de transfert du fonds ainsi que d’une indemnité pour trouble commercial.
2) Quels sont les différents types de baux commerciaux ?
* La durée d’un bail commercial relevant du statut des baux commerciaux ne peut être inférieure à 9 années.[1]
Toutefois, le locataire commercial peut donner congé à chaque période triennale sans être tenu de donner les motifs pour lesquels il donne congé. [2]
De son côté, le bailleur ne pourra donner congé à la fin d’une période triennale que pour effectuer certains travaux. [3]
* Le bail de courte durée ou bail dérogatoire, (parfois dénommé « bail précaire » de façon regrettable car entrainant une confusions avec la convention d’occupation précaire visée ci-dessous), d’une durée maximale de trois ans est également prévu par le code de commerce. [4]
Il faut distinguer le bail de courte durée de la location saisonnière qui est soumise aux règles générales du code civil, et de la convention d’occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties. [5]
3) Quel est le bon indice pour calculer la révision du loyer d’un bail commercial ?
L’indice trimestriel des loyers commerciaux, (ILC), s’applique aux baux depuis le 7 novembre 2008 date d’entrée en vigueur du décret du 4 novembre 2008.
L’ILC concerne les loyers des locaux dans lesquels sont exploitées des activités commerciales et artisanales.
Cet indice s’applique aux baux en cours si les parties l’ont choisi et signé un avenant en ce sens.
L’ILC ne doit pas être confondu avec l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, (ILAT), qui concerne les activités autres que les activités commerciales et artisanales.
L’indice national du coût de la construction, (ICC), n’est donc plus applicable aux baux commerciaux, sauf en cas de baux commerciaux avec une clause d’échelle mobile.
4) Que se passe-t-il à la fin du bail commercial ?
Différentes situations peuvent se présenter à la fin du bail commercial.
4.1 – Le bailleur notifie au preneur commercial un congé avec offre de renouvellement du bail commercial à un loyer déterminé, généralement supérieur à l’ancien loyer, qui débouchera sur une négociation entre les parties et un accord amiable ou une procédure en fixation du nouveau loyer.
4.2 – Le bailleur notifie au preneur commercial un congé sans offre de renouvellement du bail commercial mais avec offre de versement d’une indemnité d’éviction [6]dont le montant sera calculé amiablement ou à l’issue d’une procédure.
4.3 – Le bailleur notifie au preneur commercial un congé sans offre de renouvellement du bail commercial mais sans offre de versement d’une indemnité d’éviction, ce qui entrainera de la part du locataire commercial l’introduction d’une procédure dans le but de ne pas perdre la valeur de son fonds de commerce.
4.4 – Le locataire, (le preneur), demande au bailleur le renouvellement du bail commercial.
Le bailleur peut accepter le renouvellement du bail commercial mais à un loyer généralement supérieur à l’ancien loyer, ce qui débouchera sur une négociation entre les parties et un accord amiable ou une procédure en fixation du nouveau loyer.
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial en offrant ou pas le versement d’une indemnité d’éviction, dans ce dernier cas, le locataire commercial sera contraint d’introduire une procédure pour ne pas perdre la valeur de son fonds de commerce.
4.5. – Le bailleur ne délivre pas de congé pour la fin du bail commercial et le locataire de demande pas le renouvellement du bail commercial.
Dans ce cas de figure, le bail commercial se poursuit aux mêmes conditions au-delà de la date contractuellement fixée, mais aucun contrat ne se forme, et l’une ou l’autre des parties peut mettre fin à tout moment à cette prolongation tacite du bail en adressant un congé en respectant un préavis de 6 mois pour le bailleur ou en formant une demande de renouvellement pour le locataire commercial.
5) Qu’est-ce que comprend un fonds de commerce ?
Le fonds de commerce est constitué de l’ensemble des éléments corporels et incorporels utilisés par un commerçant pour son activité commerciale en vue de satisfaire une clientèle.
Il comprend par exemple le droit au bail, le nom commercial, l’enseigne, la clientèle, les marchandises, le matériel, les véhicules, une licence ou une autorisation d’exploitation, etc.
6) Quelle est la différence entre un bail commercial et un fonds de commerce ?
Il y a fréquemment confusion entre ces deux notions.
Le droit au bail n’est qu’un élément du fonds de commerce, ce dernier étant constitué d’autres éléments comme ceux visés ci-dessus : le nom commercial, l’enseigne, la clientèle, les marchandises, le matériel, les véhicules, etc.
Par ailleurs, ces deux notions répondent à des régimes juridiques différents notamment lors de leur cession respective.
6.1 – La cession du bail commercial (dénommé également cession du droit au bail commercial)
La cession du droit au bail est un contrat aux termes duquel un locataire cède à un tiers le bail dans ses droits et obligations, (jouissance des locaux, obligation de payer le loyer et obligation d’exécuter les conditions du bail commercial).
Le bail commercial cédé est inchangé et continue ses effets avec simplement un nouveau locataire commercial pour la durée du bail restant à courir.
La plupart des baux commerciaux interdisent aux locataires de céder leur droit au bail au moyen d’une clause insérée dans le bail commercial.
Les propriétaires ne peuvent pas toutefois interdire la cession du droit au bail en cas de cession du fonds de commerce ou à l’occasion d’une fusion, d’une scission, d’un apport partiel d’actif ou d’une transmission universelle de patrimoine.
Enfin, on rappellera que dans certaines communes existe un droit de préemption commercial au profit de ces dernières en cas de cession du droit au bail commercial.
6.2 – La cession du fonds de commerce
La cession du fonds de commerce emporte la cession des éléments qui composent le fonds, à savoir, des éléments incorporels comme la clientèle, l’enseigne, le nom commercial, le droit au bail, les contrats de travail, les contrats d’assurance, des marques, des licences administratives, etc.., et des éléments corporels comme du mobilier, du matériel et outillage, etc.
Enfin, on rappellera que dans certaines communes existe un droit de préemption commercial au profit de ces dernières en cas de cession du fonds de commerce.
7) La problématique : cession du droit au bail ou cession du fonds de commerce ?
*En fonction des circonstances, le preneur, (le locataire commercial), peut faire le choix de céder son fonds de commerce ou seulement son droit au bail.
En cas de relations contractuelles tendues avec le propriétaire des murs, (le bailleur), le preneur peut être amené à privilégier la vente de son fonds de commerce comprenant le droit au bail.
Dans ce cas le bailleur ne pourra s’y opposer, toute clause contraire étant réputée non écrite,[7] contrairement à une cession de droit au bail, les baux commerciaux prévoyant habituellement une clause dite d’agrément faisant obligation au locataire de soumettre la cession du droit au bail du cessionnaire au propriétaire des murs au risque de s’exposer à un refus d’agrément.
*A l’opposé, le locataire commercial peut souhaiter éviter le formalisme qui accompagne une vente de fonds de commerce et privilégier une cession du droit au bail aux formalités plus simples.
Enfin, le preneur commercial peut également avoir pour objectif d’éviter que les créanciers inscrits sur son fonds de commerce puissent faire opposition sur le prix de vente du fonds [8]et opte pour la cession du seul droit au bail.
*On relèvera toutefois que la distinction entre cession du fonds de commerce et cession du doit au bail peut être difficilement lisible, et ce d’autant plus, que les juges ne sont pas liés par la dénomination de l’acte donnée par le vendeur et le cessionnaire, (Acte de cession de fonds de commerce ou acte de cession de droit au bail), et peuvent requalifier cet acte.
La question de la cession ou non de la clientèle, (élément indispensable du fonds de commerce), restera centrale.
8) Quelles sont les garanties de l’acheteur d’un fonds de commerce ?
Le vendeur doit garantir à l’acheteur la remise du fonds de commerce, les vices cachés pouvant affecter le fonds et la jouissance paisible de ce fonds.
8.1. – Obligation de délivrance
* Il s’agit de la remise du fonds de commerce à l’acheteur, [9] étant précisé qu’en application des clauses prévues au contrat de vente, le vendeur doit remettre tous les éléments qui composent le fonds de commerce vendu, par exemple, le bail, le nom commercial, l’enseigne, les licences, le matériel, les marchandises, etc.
Cette délivrance doit s’effectuer dans le délai déterminé au contrat.
* En cas de défaut de délivrance ou de délivrance non conforme au contrat, l’acquéreur peut demander la résolution de la vente, son exécution forcée ou une réduction du prix, et former une demande de dommages et intérêts s’il justifie de l’existence d’un préjudice.
On rappellera également l’exception d’inexécution qui permettra à l’acheteur de ne pas payer le prix de la vente en cas de délivrance incomplète du fonds de commerce.
8.2 – Garantie des vices cachés
Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.[10]
L’ignorance du vice n’exonère pas le vendeur de son obligation à garantie.[11]
L’acquéreur doit rapporter la preuve de l’existence du vice, de son caractère caché lors de la vente, de son antériorité à la vente et que le vice rend le bien impropre à l’usage auquel on le destinait ou en diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou à un moindre prix s’il l’avait connu.
L’acquéreur doit engager son action, soit en restitution de prix, (dite action rédhibitoire), soit en diminution de prix arbitrée par expert, (dite action estimatoire), [12]dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vices, [13] outre une demande de dommages et intérêts.
8.3 – Garantie d’éviction
Le vendeur doit à l’acquéreur la possession paisible de la chose vendue. [14]
* Le vendeur est tenu de garantir l’acquéreur des contestations des tiers portant sur le droit de propriété cédé.
Selon qu’il s’agisse d’éviction totale ou partielle, l’acquéreur pourra demander la restitution ou une réduction du prix, outre une demande de dommages et intérêts.
* Le vendeur est tenu de garantir l’acquéreur contre son fait personnel, à savoir, le détournement de clientèle.
La jurisprudence a posé une obligation légale de non-concurrence qui pèse sur le vendeur qui doit s’abstenir de tout acte de nature à diminuer l’achalandage et à détourner la cliente du fonds cédé. [15] [16]
Par ailleurs, les actes de cession de fonds de commerce prévoient une clause de non-concurrence, dont la violation entraine l’allocation de dommages et intérêt.[17]
9) Comment évaluer un fonds de commerce ?
Il n’existe pas de méthode officielle pour calculer la valeur d’un fonds de commerce.
Parmi un grand nombre de méthodes, la méthode dite des barèmes professionnels est fréquemment utilisée et consiste à appliquer au chiffre d’affaire moyen calculé sur les trois dernières années d’exploitation normale du fonds des pondérations après une étude de marché. (Par exemple, pour un café, le barème et de 70 à 200 % du chiffre d’affaire TTC /an et pour une cave à vin, de 30 à 70 % du chiffre d’affaire TTC /an).
L’étude de marché permettant de pondérer le barème retenu consistera à dégager une valeur vénale par comparaison de mutations de fonds comparables, ce qui peut s’avérer délicat.
Il est important de garder à l’esprit que c’est la valeur vénale du fonds de commerce qui doit être recherchée par opposition à une valeur comptable.
Enfin, de jurisprudence constante, en cas de valeur vénale d’un fonds inférieure au droit au bail de ce fonds, c’est la valeur du droit au bail qui sera retenue calculée par exemple suivant la méthode du différentiel de loyer, (dite également d’économie de loyer), ou par comparaison.
10) Peut-on louer son fonds de commerce ?
Il est possible de mettre son fonds en location-gérance, également appelé gérance libre, d’un fonds de commerce.
Le contrat de location-gérance est un contrat aux termes duquel le propriétaire d’un fonds de commerce le loue totalement ou partiellement à un locataire-gérant, (appelé également gérant libre), qui l’exploite à ses risques et périls en payant au propriétaire du fonds une redevance, (loyer). [18]
Le contrat de location gérance est notamment utilisé pour la transmission d’entreprise individuelle, car elle permet à un commerçant d’associer le repreneur potentiel de l’activité, (membre de la famille ou tiers), alors qu’il est encore en activité afin de le préparer à cette transmission.
Le propriétaire du fonds de commerce peut également envisager d’associer les membres de sa famille ou des tiers au travers d’une société constituée pour l’exploitation de la location-gérance, qui présente pour ce dernier à la fois l’avantage de pouvoir progressivement se
désengager du quotidien des affaires et de lui survivre en cas de décès de sorte de laisser une structure pérenne qui continuera à exploiter le fonds de commerce.
Pour le repreneur, cette période de location-gérance est une période d’essai qui lui permet de tester le potentiel de l’activité avant de s’engager définitivement, ce dernier pouvant exiger une garantie du propriétaire du fonds de commerce comme une promesse unilatérale de vente du fonds.
***
Le cabinet PERRAULT Avocats, (Barreau de Paris), assiste et conseille les propriétaires de murs commerciaux et les locataires commerciaux.
[1] Article L.145-4, alinéa 1 du code de commerce
[2] Article L.145-4, alinéa 2 du code de commerce
[3] Article L.145-4, alinéa 3 du code de commerce
[4] Article L.145-5 du code de commerce
[5] Article L.145-5-1 du code de commerce
[6] Article L145-14 du code de commerce
[7] Article L.145-16, alinéa 1 du code de commerce
[8] Article L.141-14 du code de commerce
[9] Article 1604 du code civil
[10] Article 1641 du code civil
[11] Article 1643 du code civil
[12] Article 1644 du code civil
[13] Article 1648 alinéa 1 du code civil
[14] Article 1625 du code civil
[15] Cass. Com. 24.05.-1976. N°75-10.612.
[16] Cass. Com. 16.01.2001.. N°109. RJDA. 4/01 n°437
[17] Article 1231-1 du code civil
[18] Article L.144-1 du code de commerce