Élément d’équipement installé sur un existant et assurance décennale
Trois arrêts de la cour de cassation agitent les spécialistes du droit de la construction et du droit immobilier
De quoi s’agit-il ?
1- L’essentiel
Aux termes d’arrêts rendus les 15 juin, 14 septembre et 26 octobre 2017, (n°16-19.640, n°16-17.323 et n°16-18.120), la cour de cassation donne une nouvelle extension à la notion d’impropriété de l’ouvrage et juge que les désordres affectant un élément d’équipement installé sur un ouvrage existant relèvent de l’assurance décennale.
Antérieurement à ces arrêts, la jurisprudence jugeait au cas par cas, (et parfois de façon byzantine il est vrai), si un élément d’équipement installé sur un ouvrage existant pouvait ou non être qualifié d’ouvrage au sens de la responsabilité des constructeurs, et si par conséquent les désordres affectant cet élément d’équipement relevaient ou non de la garantie décennale due par les constructeurs.
L’enjeu final est donc une question de coût d’assurance de responsabilité décennale
2 – Les critiques
Un certain nombre d’auteurs parmi les plus qualifiés se sont émus de voir la cour de cassation malmener l’esprit et la lettre de la loi SPINETTA, laquelle pose le principe d’une présomption de responsabilité des constructeurs en cas de dommages de nature décennale à un ouvrage, cet ouvrage étant considéré comme un tout se suffisant au sens constructif, (par exemple la construction d’une maison individuelle), et n’englobant pas le rajout postérieur à la réalisation de l’ouvrage d’un élément d’équipement, (par exemple des panneaux solaires).
Or, dans les arrêts visés ci-dessus, la cour de cassation qualifie d’ouvrage une pompe à chaleur, un insert et une cheminée, qui sont des éléments d’équipement rajoutés après la construction de l’ouvrage qui ne devraient pas recevoir la qualification d’ouvrage au sens de l’article 1792 et suivants du code civil.
Pourtant, la cour de cassation avait déjà amorcé l’évolution de sa jurisprudence tendant à relativiser doublement la notion d’ouvrage en termes de construction, (peu importe que l’élément d’équipement n’ait pas été installé en même temps que l’ouvrage principal, et peu importe que l’on ne puisse pas le cas échéant le qualifier d’ouvrage en raison du peu d’importance matérielle de cet équipement), pour faire prévaloir la notion d’impropriété non pas de cet équipement mais de l’ouvrage pris dans sa globalité.
L’approche de la cour de cassation est dorénavant la suivante : « les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. » (Arrêts cour de cassation 3ème civile cités supra)
En d’autres termes, la cour de cassation retient comme critère prépondérant le fait que l’ouvrage n’est pas adapté à sa finalité, sans se soucier outre mesure des exigences posées par la loi quant à l’existence d’un ouvrage, pour faire jouer la garantie décennale
3 – Les conséquences en droit de la construction et en droit immobilier
Cette approche de la cour de cassation, certes protectrice des intérêts du maître de l’ouvrage, aura une répercussion financière importante pour beaucoup d’entrepreneurs, lesquels devront dorénavant s’assurer au titre de leur responsabilité décennale pour la réalisation de travaux qui n’étaient pas soumis jusqu’alors à l’obligation d’assurance décennale telle que définie par l’article L.241-1 du code des assurances.