Trouble anormal de voisinage
(Cass 3e civ 21 octobre 2009 pourvoi n°08/16.692)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 8 avril 2008), rendu sur renvoi après cassation (3ème civile, 11 mai 2006, pourvoi n° 05 19.972), que la société civile d’attribution du Coullet (la SCA) créée par les époux X…, a acquis en 2002 un lot du lotissement du Mas du Coullet autorisé en 1961, que le syndicat des copropriétaires de la copropriété Le Rif Nel et divers copropriétaires ont assigné les époux X… et la SCA en démolition des constructions réalisées sur ce lot (…) en paiement de dommages intérêts sur le fondement du trouble anormal du voisinage,
Attendu que le syndicat et les copropriétaires font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :
1°/ que nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, notamment en le privant d’ensoleillement et de vue; que le respect des dispositions légales n’exclut pas l’existence éventuelle de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé et violé l’article 1382 du code civil,
2°/ qu’en énonçant par un motif d’ordre général que « dans un lotissement » Mme Y… devait s’attendre à être privée d’un avantage d’ensoleillement et de vue, sans rechercher si dans le lotissement concerné par la présente espèce, dans l’enceinte duquel les colotis avaient manifestement entendu préserver leur vue et leur ensoleillement en limitant la hauteur des constructions ainsi que cela résulte des stipulations du cahier des charges avant sa modification par l’autorité administrative, cette atteinte à la vue et à l’ensoleillement ne constituait pas un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil,
Mais attendu qu’ayant retenu que nul n’était assuré de conserver son environnement qu’un plan d’urbanisme pouvait toujours remettre en question, la cour d’appel, qui a constaté que l’immeuble de la copropriété Le Rif Nel avait été bâti dans une zone très urbanisée d’Huez en Oisans dont l’environnement immédiat était constitué, entre autres, d’immeubles plus élevés que celui de la Résidence Chalet Alpina édifié par la SCA, et que Mme Y… devait, dans un lotissement, s’attendre à être privée d’un avantage d’ensoleillement déjà réduit par sa position au premier étage formant rez de chaussée, la cour d’appel qui n’a pas fondé sa décision sur le respect des dispositions légales et qui n’était pas tenue de faire une recherche sur l’incidence des stipulations du cahier des charges antérieures à l’arrêté de mise en conformité que ses constatations rendaient inopérante, en a souverainement déduit que la construction de la Résidence Chalet Alpina ne constituait pas un trouble anormal du voisinage et a légalement justifié sa décision,
PAR CES MOTIFS, REJETTE le pourvoi
Un exposé des faits un peu compliqué, mais qui pose une question récurrente en matière de construction et d’urbanisme.
La vie urbaine moderne contraint à supporter des troubles dits « normaux » de voisinage, (cris, bruits, odeurs, etc.).
En revanche, une perte de vue ou d’ensoleillement en raison de la construction d’un immeuble proche du sien est-elle un trouble « anormal » de voisinage, pouvant déboucher sur une condamnation à des dommages et intérêts au profit du propriétaire subissant cette perte ?
En l’espèce, la cour de cassation répond par la négative en indiquant :
- « que nul n’était assuré de conserver son environnement qu’un plan d’urbanisme pouvait toujours remettre en question »,
- « l’immeuble de la copropriété Le Rif Nel avait été bâti dans une zone très urbanisée d’Huez en Oisans dont l’environnement immédiat était constitué, entre autres, d’immeubles plus élevés que celui de la Résidence Chalet Alpina édifié par la SCA »,
- « Mme Y… devait, dans un lotissement, s’attendre à être privée d’un avantage d’ensoleillement déjà réduit par sa position au premier étage formant rez de chaussée »,
En d’autres termes, acheter dans une zone déjà urbanisée, c’est accepter de s’exposer à une perte possible de vue ou d’ensoleillement en raison de la construction d’un immeuble proche du sien, sans indemnité possible.
Toutefois, l’attention du lecteur sera attirée sur le fait que chaque cas est d’espèce, et qu’une configuration différente des lieux aurait pu entrainer une condamnation à des dommages et intérêts au profit du propriétaire lésé.