Responsabilité du banquier dans le cadre d’un contrat de construction de maison individuelle
Le particulier maître de l’ouvrage qui souhaite faire construire la maison individuelle de son choix a fréquemment recours à un prêt bancaire pour financer cette opération. Dans ce cas de figure, les textes et la jurisprudence ont mis en place une double protection du maître de l’ouvrage.
L’article L231-10 alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation indique que :
« Aucun prêteur (banquier) ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l’article L. 231-2 qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s’il n’a pas communication de l’attestation de garantie de livraison. » (1) La jurisprudence retient ensuite une obligation de conseil à la charge du prêteur de deniers. (2)
1 – Article L231-10 alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation et l’obligation de contrôle du banquier
Le banquier qui consent un prêt immobilier à un particulier qui fait construire une maison au moyen d’un contrat de construction de maison individuelle avec plans, a l’obligation légale, telle que définie par l’article L231-10 alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation, d’une part, de vérifier le contenu du contrat de construction lors de l’émission du prêt immobilier, d’autre part, de ne pas débloquer les fonds après qu’ils aient été accordés par la banque avant de s’être assuré que le maître de l’ouvrage est bien en possession de la garantie de livraison de l’ouvrage. Le banquier est donc contraint, ce qui est assez singulier, d’effectuer spontanément un double contrôle dans le but de protéger le particulier ignorant des dangers inhérents à la construction de maison individuelle, en s’assurant :
- Que le contrat que lui présente le maître de l’ouvrage est bien un contrat de construction de maison individuelle, (CCMI), dans lequel se trouvent bien indiquées un ensemble de stipulations contractuelles protectrices de ce maître de l’ouvrage,
- Qu’au moment de la remise des fonds objet de l’emprunt, le maître de l’ouvrage soit bien en possession de la garantie de livraison que lui aura remis au préalable l’entreprise chargée des travaux.
Il est important d’indiquer qu’après quelques hésitations, la cour de cassation a dorénavant une vision restrictive de ces obligations mises à la charge du banquier. En effet, l’obligation du banquier ne va pas jusqu’à contraindre ce dernier à donner un avis juridique qui n’entre pas dans son domaine de compétence, par exemple l’opération de construction présentée par le maître de l’ouvrage est-elle ou non juridiquement une construction de maison individuelle avec plan ? De même, le banquier n’a pas l’obligation de vérifier que les documents produits sont authentiques ou que des conditions suspensives prévues au contrat sont réalisées. L’obligation du banquier telle que définie par l’article L231-10 alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation est donc limitée, et ce dernier devra être bien négligeant pour voir sa responsabilité personnelle engagée sur ce fondement.
2 – Devoir de conseil du banquier
En réaction peut-être à sa lecture restrictive de l’article L231-10 alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation, certaines décisions de la cour de cassation, (et des juridictions inferieures, tribunaux de grande instance et cours d’appel), ont retenu le devoir de conseil du banquier pour engager sa responsabilité. Ainsi, après avoir jugé que le banquier prêteur de deniers peut se contenter d’un contrôle superficiel des éléments soumis à son appréciation dans le cadre de l’article L231-10 alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation, la cour de cassation manifeste une certaine sévérité quant à l’application d’une obligation plus générale : le devoir de conseil qui pèse sur tout professionnel face à un consommateur ou non professionnel. De façon surprenante, certaines décisions considèrent même que cette obligation de conseil et de renseignement peut aller jusqu’à contraindre le banquier à conseiller ou déconseiller le montage juridique envisagé pour ne pas garantir au maître de l’ouvrage le bénéfice de la garantie de livraison de l’ouvrage ! En d’autres termes, après avoir réduit considérablement la responsabilité potentielle du banquier au titre de son obligation légale visée par l’article L231-10 alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation, les juridictions permettent maintenant dans une certaine mesure au maître de l’ouvrage d’exercer un recours contre le banquier sur le fondement d’un manquement à l’obligation de conseil et de renseignement dont est redevable ce dernier. (On se reportera le cas échant à l’excellent article de Christophe Sizaire. Construction. Urbanisme mars 2018. P 35. N°43)