Nullité du contrat de construction d’une maison individuelle
CCMI : le constructeur peut-il obtenir le remboursement des sommes engagées pour la construction ?
En concluant un contrat de construction de maison individuelle (CCMI), une personne physique ou morale, appelée maître d’ouvrage, confie à un constructeur la réalisation d’une maison à usage d’habitation, ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés à ce maître d’ouvrage.
Ce maître d’ouvrage est alors considéré comme un simple consommateur, bénéficiant ainsi de mesures protectrices imposées par des règles impératives, décrites aux articles L. 231-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation, dont l’absence de respect est sanctionnée par la nullité du contrat.
Ces règles étant d’ordre public, personne ne peut y déroger par des clauses contractuelles contraires.
Lorsqu’un contrat est annulé, il est donc rétroactivement anéanti depuis le jour de sa signature. Les parties doivent alors être remises dans l’état où elles se trouvaient à sa date de conclusion.
Maître d’ouvrage et constructeur doivent alors effectuer des restitutions réciproques.
Appliquée au cas du CCMI, la nullité impose au constructeur la restitution du prix payé, et au maître de l’ouvrage celle de la maison, qui devra donc être démolie pour permettre une remise du terrain dans son état antérieur.
Ainsi, pendant longtemps, une jurisprudence sévère a consisté à ordonner la démolition de l’ouvrage, sans indemnité pour le constructeur au titre des travaux déjà réalisés (Civ. 3ème, 26 juin 2013, n° 12-18.121)
Mais cette position s’est toutefois assouplie, compte-tenu du fait que le maître d’ouvrage pouvait légitimement vouloir conserver la maison construite, et vouloir seulement être indemnisé de ses autres préjudices : « Le maître de l’ouvrage, qui invoque la nullité d’un contrat de construction de maison individuelle, n’est pas tenu de demander la démolition de la construction […] et peut limiter sa demande à l’indemnisation du préjudice résultant de cette nullité ». (Civ. 3ème, 21 janv. 2016, n° 14- 26.085)
Depuis lors, deux cas de figure doivent être bien distingués :
1) En l’absence de démolition de l’ouvrage
En conséquence de l’absence de démolition du bâtiment, la Cour de Cassation reconnait ainsi au constructeur un droit à restitution des sommes déboursées par celui-ci en cas de prononcé de la nullité du contrat, mais en l’absence de démolition du bâtiment. (Civ 3eme, 17 juin 2015, n° 14-14.372)
Attention cependant, il ne s’agit pas de payer le prix du CCMI, mais bien de rembourser au constructeur les frais engagés, puisque le maître d’ouvrage va bénéficier de la conservation de la construction édifiée, ce qui constituerait alors une forme « d’enrichissement sans cause»
Dans ce cas, le constructeur doit légitimement recevoir le juste prix de ses prestations, incluant le coût des matériaux et de la main d’œuvre.
Plus encore, non seulement la demande de démolition n’est pas obligatoire, mais la démolition, même lorsqu’elle est demandée, n’est pas non plus de droit, de sorte que le juge n’est pas tenu d’ordonner la démolition de la construction. (Civ. 3ème, 21 janv. 2016, n° 14- 26.085)
Ainsi, la démolition de l’ouvrage ne doit plus constituer une sanction disproportionnée : les juges doivent rechercher si la démolition de l’ouvrage constitue une sanction proportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l’affectent (Civ. 3eme 15 Octobre 2015 n°14-23.612 ; Civ. 3ème 22 novembre 2018, n° 17-12.537 ; Civ 3ème 27 Mai 2021n°20-13.204 et 20-14.321)
Lorsque la démolition n’est pas ordonnée, soit qu’elle n’a pas été demandée par le maître d’ouvrage, soit que sa demande a été rejetée, le maître d’ouvrage doit donc payer les frais engagés pour la construction édifiée en exécution du contrat annulé. (Civ 3e, 7 avril 2016, 14-19268) ; Civ 3e, 7 janvier 2016, 14-14814) ; Civ 3e, 7 janvier 2016, 14-14814)
2°) En cas d’une démolition de l’ouvrage
Si la démolition est prononcée, le constructeur ne peut plus obtenir le remboursement des travaux qu’il a réalisés (Civ 3e, 26 juin 2013, 12-18121 ; Civ 3e, 11 décembre 2013, 12-14748).
De plus, si l’édification d’une nouvelle maison comporte pour le maître d’ouvrage un surcoût, la charge de celui-ci devra en être supportée par le constructeur dont le contrat a été annulé (Civ 3e, 26 novembre 2015, 13-24490).
Ainsi, en cas de démolition, le constructeur est non seulement privé du coût de ses travaux, mais il doit encore payer la démolition, voire le surcoût de la reconstruction.