Etendue de la garantie de livraison d’un maison individuelle
Contrat de construction de maison individuelle
1 – Le cadre
L’on sait que le législateur a voulu accorder une attention particulière à la protection du particulier qui souhaite faire réaliser une maison individuelle.
C’est dans cet esprit qu’a été imaginé le contrat de construction de maison individuelle, (CCMI), lequel par son formalisme contraint les constructeurs à respecter un ensemble de règles qui sont autant de protections du maître de l’ouvrage.
Par ailleurs, le législateur a également envisagé le cas ou le constructeur choisi ne serait plus à même d’achever l’ouvrage, (liquidation judiciaire de l’entreprise ou abandon de chantier par exemple).
Pour permettre la livraison effective de l’ouvrage commandé, l’article L.231-2, k, du code de la construction et de l’habitation prévoit que le contrat de construction de maison individuelle doit comporter notamment : « Les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat. »
Par ailleurs, et de façon explicite, l’article L.231-6, I, du code de la construction et de l’habitation indique que : « La garantie de livraison prévue au k de l’article L. 231-2 couvre le maître de l’ouvrage, à compter de la date d’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus. »
2 – Le problème : Garantie autonome ou non ?
2.1 – La question de fond, (d’importance pour les organismes financiers qui se portent garants), est la nature juridique de la garantie de livraison, garantie autonome, auquel cas le garant ne peut rien opposer au maître de l’ouvrage est doit assumer l’intégralité des coûts nécessaires jusqu’à la livraison de l’ouvrage commandé, ou cautionnement classique d’une obligation contractée par le constructeur permettant d’opposer au maître de l’ouvrage les caractéristiques du contrat signés par ce même constructeur.
Dans un premier temps, la cour de cassation a accordé une protection certainement excessive au maître de l’ouvrage en considérant que la garantie de livraison était une garantie autonome, et que par conséquent, (pour reprendre la définition de la 3ème chambre de la cour de cassation), l’établissement financier s’étant porté garant « payait sa propre dette et non celle d’autrui, (le constructeur) ». [1]
[1] Cass. 3ème civ. 4 octobre 1995. n° 93-18.313
« Attendu que le Crédit Namur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer une certaine somme au titre de l’achèvement de la construction, alors, selon le moyen, 1° que la garantie d’achèvement n’est qu’une garantie de financement de la bonne fin de l’immeuble et n’est en aucune façon comparable ou assimilable à un contrat d’assurance ; qu’en considérant qu’il s’agit d’un contrat d’assurance, la cour d’appel a violé l’ancien article R. 231-11 du Code de la construction et de l’habitation, applicable en la cause »
« Qu’en retenant exactement que l’engagement du Crédit Namur n’était pas la simple fourniture d’une caution ordinaire, qu’en l’exécutant, cet établissement payait sa propre dette et non celle d’autrui, et qu’il n’était pas fondé à reprocher aux époux X… de ne pas avoir produit au passif de la société Tercor, alors que cette diligence lui incombait, la cour d’appel a, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant, légalement justifié sa décision de ce chef. »
Cette qualification de garantie autonome avait pour conséquence de priver le garant de tous recours, (notamment contre un contre garant ou de l’empêcher de pouvoir produire à la liquidation du constructeur ), ce qui économiquement n’était pas viable.
En effet, s’agissant d’une assurance « de construction », priver le garant de la possibilité d’obtenir le remboursement des sommes versées, aurait finalement contribué à ralentir le secteur de la construction de maisons individuelles, en raison de la hausse inévitable et compréhensible du coût de la garantie de livraison par les établissements financiers pour équilibrer leurs comptes.
Une évolution était souhaitable.
2.2. – Renonçant à cette approche, la cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que la garantie de livraison n’avait pas de caractère autonome mais devait s’apprécier au regard de l’engagement pour lequel elle avait été donnée ; le contrat de construction de maison individuelle.
Dès lors, le garant peut opposer à une demande de paiement du maître de l’ouvrage les limites du contrat de construction.[5]
fondé à reprocher aux époux X… de ne pas avoir produit au passif de la société Tercor, alors que cette diligence lui incombait, la cour d’appel a, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant, légalement justifié sa décision de ce chef. »
2Cass. 3éme. Civ. 1er mars 2006. n° 04-16297
« Attendu que pour condamner les époux X… à payer une somme à la société LMC l’arrêt retient qu’en raison de l’inachèvement des travaux la garante avait dû indemniser les acquéreurs dont la maison n’avait pas été livrée en raison de la défaillance de la société RA, et qu’elle agissait contre les époux X…, cautions du constructeur en vertu de quittances subrogatives à elle délivrées par ces acquéreurs. »
« Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé, par motifs propres et adoptés, que la société RA avait souscrit une assurance auprès de la société LMC, que par application de l’article L. 231-6 du Code de la construction et de l’habitation celle-ci avait rempli son obligation personnelle, sans s’acquitter de la dette de la société RA, et que dès lors les époux X… ne pouvaient être recherchés sur le fondement d’un cautionnement portant sur une obligation dont le caractère certain n’était pas établi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé »
3Cass. 3eme. Civ. 27 septembre 2006. n° 05-14674
« Attendu que pour accueillir la déclaration de créance de la société L’Etoile commerciale, l’arrêt retient que la garantie de livraison s’analyse en un cautionnement de caractère particulier, et que le garant qui a payé dispose d’un recours à l’encontre du débiteur principal »
« Qu’en statuant ainsi, alors que, par application de l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation, la société L’Etoile commerciale avait rempli son obligation personnelle, sans s’acquitter de la dette de la société X… Architecteur, et que dès lors, elle n’était pas fondée à solliciter le remboursement par cette dernière des sommes qu’elle avait dû régler à la suite de la défaillance du constructeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
4 Cass. 3éme. Civ. 3 decembre 2008. N° 07-20.931. (Idem).
5 Cass. 3éme. Civ. 25 janvier 2018. N°16-27.905.
« Attendu que l’arrêt retient que la garantie de livraison à prix et délais convenus, qui constitue une garantie légale distincte d’un cautionnement, ne peut être privée d’efficacité par l’effet d’une novation du contrat de construction de maison individuelle et que, dès lors, un avenant au contrat de construction pour travaux supplémentaires ne peut prolonger le délai de livraison de la maison en l’absence d’accord des parties sur ce point, que le montant de la prime due par le constructeur au garant ait été ou non modifié ».
« Qu’en statuant ainsi, alors que la validité de la garantie, relativement à son étendue, doit s’apprécier à la date à laquelle la garantie est donnée et en considération des travaux qui sont l’objet du contrat de construction à cette date, la cour d’appel a violé le texte susvisé »
Un rééquilibrage nécessaire.