Audit d’immeuble avant la garantie décénnale
De l’intérêt pour le syndicat des copropriétaires de faire auditer l’immeuble avant l’expiration de la garantie décennale
1. Principes généraux
a) La garantie dite « décennale » prévue aux articles1792 et 1792-2 du Code Civil s’applique aux désordres affectant un ouvrage et qui compromettent sa solidité ou le rendent impropre à sa destination
Il s’agit des dommages non-apparents et non-réservés lors de la réception de l’ouvrage.
Ils doivent :
- compromettre la solidité de l’ouvrage,
- ou l’affecter dans un seul de ses éléments d’équipement, même dissociable, mais rendant l’ouvrage impropre à sa destination.
Sur cette notion d’impropriété à la destination, le Professeur Malinvaud, dans un éditorial (RDI, 2010, p. 465), a récemment rappelé la définition retenue en 1992 par le Comité pour l’application de la loi (COPAL), laquelle permet de donner une ligne de conduite :
«l’impropriété à la destination de l’ouvrage est celle qui entraîne l’impossibilité d’en jouir conformément à l’attente légitime du maître de l’ouvrage».
L’attente légitime diffère ainsi selon la destination de l’immeuble.
Par ailleurs, et selon les termes mêmes de l’article 1792-2 « la garantie s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert ».
Un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »
b) Cette garantie se prescrit par 10 années.
Le point de départ du délai de la garantie décennale est la date du procès-verbal de réception, la réception étant l’acte par lequel le Maître d’Ouvrage décide de réceptionner l’ouvrage, avec ou sans réserves.
Cette réception intervient à la demande de la partie la plus diligente, dès que l’ouvrage est considéré comme achevé, ce qui est examiné le cas échéant au cas par cas par le juge, lequel peut estimer que l’ouvrage est achevé car habitable.
Le délai décennal est un délai préfix de garantie légale, c’est-à-dire à la fois un délai d’épreuve et un délai d’action.
Selon les articles 2241 et 2242 du Code Civil :
« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».
« L’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. »
A ce titre, il est soumis à la prorogation légale s’il expire un jour non ouvrable (il expirera le jour ouvrable suivant).
Par exemple, si le délai de la garantie décennale expire le Samedi 31 Juillet 2022, il sera prorogé et expirera le Lundi 2 Aout 2022.
L’action exercée le Lundi 2 Aout 2022, en garantie décennale, sera déclarée recevable.
2. Comment faire auditer l’immeuble sur les dommages susceptibles d’être garantis par les articles 1792 et suivants du Code Civil
a) La nécessité d’une décision préalable de l’assemblée générale
Même s’il ne s’agit pas à proprement parler de faire effectuer directement des travaux, la commande d’un audit échappe cependant à la seule compétence du syndic et/ou du conseil syndical, et nécessite le vote d’une résolution en assemblée générale.
La question devra être inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée générale, qui peut être soit l’assemblée générale annuelle, soit une assemblée spécialement convoquée à cet effet.
Par contre, la clef de répartition pourra être différente, si cet audit ne concerne qu’une partie des copropriétaires (bâtiment, chauffage, ascenseur) ou la copropriété dans sa globalité.
b) Un outil approprié : le Diagnostic Technique Global (D.T.G.)
Ce diagnostic réglementé par les articles L731-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation, est plus qu’un simple audit
Il informe les copropriétaires sur la situation générale de l’immeuble et permet d’envisager d’éventuels travaux.
Il est obligatoire pour certaines copropriétés (mise en copropriété d’un immeuble construit depuis plus de dix ans et copropriété insalubre).
Si le DTG démontre que des travaux sont nécessaires, le syndic doit inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale la question de l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux et ses conditions de mise en œuvre.
La réalisation du DTG doit être confiée à un thermicien ou un diagnostiqueur immobilier justifiant de compétences fixées réglementairement .
Le DTG doit comporter les éléments suivants :
- Analyse de l’état apparent des parties communes et des équipements communs
- État de la situation du syndicat de copropriétaires au regard de ses obligations légales et réglementaires (par exemple, impayés de charge)
- Analyse des améliorations possibles de l’état de l’immeuble
- Diagnostic de performance énergétique de l’immeuble ou audit énergétique
Liste des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble (notamment sur les 10 prochaines années) et évaluation du coût de ces travaux - Le contenu du DTG doit être présenté à la 1re assemblée générale des copropriétaires qui suit sa réalisation.
- Enfin, et c’est là un de ses intérêts, le DTG se vote à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965
3. Conclusions sur l’intérêt de faire auditer l’immeuble sur les dommages susceptibles d’être garantis par les articles 1792 et suivants du Code Civil
Le syndicat des copropriétaires aura donc le plus grand intérêt à faire auditer l’immeuble, notamment au moyen du Diagnostic Technique Global, pour, le cas échéant, actionner l’assureur dommages ouvrage dans le délai décennal de sorte que les copropriétaires ne supportent aucun coût financier des éventuelles reprises de désordres à réaliser !
A bon entendeur….